La dernière fois que j’ai écrit un article portant ce nom, je vous ai présenté cinq de mes manga préférés. Aujourd’hui, j’ai pensé qu’on pourrait continuer à fouiner dans ma bibliothèque, et parler de certains romans que j’apprécie. Concept assez simple, donc on commence sans plus attendre.
Lolita (1955), de Vladimir Nabokov. Peut-être bien que c’est mon livre préféré. En tout cas, c’est un classique, normalement vous en connaissez au moins les grandes lignes: depuis sa cellule de prison, Humbert Humbert se remémore ses années passées à côté de la nymphette pour qui il nourrissait une obsession sans limite, Dolorès Haze, dite aussi « Lolita ».
Si ce livre me fascine, c’est de part sa narration: l’histoire, on la vit à travers les yeux d’Humbert, Humbert qui est un homme de lettres, il a l’art de manier les mots, et ça, c’est un pouvoir extraordinaire. « Lolita », au final, qu’est-ce que c’est, si ce n’est le récit d’un pédophile qui essaie de justifier son crime ? Mais ce narrateur, « H.H », il sait bien tourner ses phrases, il sait s’exprimer, et gagner le respect et la sympathie des lecteurs pour mieux légitimer ses actions ensuite.
Si Nabokov avait un but en écrivant ce livre, c’était sûrement de montrer le pouvoir des mots, de prouver que lorsqu’on renvoie l’image de quelqu’un de cultivé et distingué, on n’a aucun à manipuler son public. C’est un roman très bien écrit, c’est facile de tomber dans le piège de l’auteur, il a réussi son coup. Un peu trop même. Tant de gens ont terminé ce livre, convaincus que « Lolita » était une romance… la majeure partie des maisons d’éditions ont sexualisé Lolita sur la couverture du livre… Vanity Fair l’aura même qualifié de « seule histoire d’amour convaincante de notre décennie ». Trop de gens passent complètement à côté de l’intérêt du livre, et ça aussi, ça me fascine, autant que ça m’effraie.
Je pourrais déblatérer encore des heures à ce sujet mais passons plutôt à un autre livre que j’affectionne tout particulièrement: Ma vie de geisha (2002), d’Iwasaki Mineko.
Beaucoup de gens admirent la beauté des geisha, moi y compris, mais que sait-on vraiment sur elles ? Par chez nous, on est assez confus à propos de ce qu’est une geisha, je crois que l’idée reçue que j’ai le plus entendue est que ce sont des « prostituées de luxe »… Si vous êtes intéressés par les geisha, et que vous voulez vraiment savoir en quoi consiste leur vie, leur métier,… la meilleure solution est de l’apprendre de la bouche d’une concernée. En effet, Ma vie de geisha est l’autobiographie d’Iwasaki Mineko, qui, jusqu’à ce qu’elle prenne sa retraite avant ses 30 ans, était la geiko la plus connue du Japon.
Vous connaissez sûrement « Geisha » ou « Mémoires d’une geisha », le roman, plus tard adapté en long-métrage, d’Arthur Golden. Si vous l’avez vu ou lu, oubliez-le, c’est tout sauf une référence. Pour livre, Golden a interviewé plusieurs geisha, dont Iwasaki Mineko, en leur promettant de préserver leur anonymat, chose qu’il n’a finalement… pas faite. En plus de ne pas avoir respecté sa volonté à ce sujet, l’auteur a pris quelques libertés avec la réalité, pour ne quand même pas trop s’éloigner du fantasme occidental de la geisha… Le livre a largement été critiqué pour ça, mais encore beaucoup de gens l’ignorent; pourtant, Iwasaki a même porté plainte pour rupture de contrat et diffamation.
Puis, elle a écrit son propre livre pour raconter son parcours, parcours qui a débuté dès l’âge de 5 ans quand elle a dû quitté sa famille pour rejoindre une okiya de Gion. C’est une lecture très intéressante, on apprend tellement de choses, l’écriture est simple et sincère, il y a même quelques photos!, et au moins, on a une représentation réaliste de la profession, bien loin du fétiche des occidentaux, des geiko de Gion sont des artistes qui travaillent dur, sans relâche et ce depuis le plus jeune âge.
Passons à un livre que j’ai lu pas plus tard que cet été: La Part de l’autre (2001). Je n’ai jamais été attirée par les livres d’Eric-Emmanuel Schmitt, à l’exception de celui-ci, que je voulais lire depuis très longtemps.
Le livre pose la question suivante: et si Adolf Hitler avait été accepté à l’Ecole des beaux-arts ? Tout le long du livre on alterne entre la biographie (très romancée) d’Hitler et la vie imaginée qu’Adolf aurait pu avoir s’il avait pu carrière dans la peinture. J’adore l’idée, et elle est bien exécutée donc j’ai dévoré le livre.
Le but de l’auteur était avant tout de montrer qu’Hilter était humain; ce qui est assez bizarre à dire, parce que quand on dit qu’un personnage est « humain », j’ai l’impression que ça sonne comme… dire qu’un personnage a « fait des erreurs, comme nous tous! », et qu’on peut compatir avec lui,… En aucun cas La Part de l’autre essaie de justifier les actions d’Hitler ou quoi que ce soit dans cet esprit: l’idée, c’est plus de dire que non, ce n’était pas un « monstre », rien ne l’a prédisposé à être un tyran. Les figures historiques qui ont fait couler autant de sang, et les meurtriers en général, on a tendance à les qualifier de « monstres », parce qu’ils ont commis de telles horreurs qu’on n’arrive pas à concevoir qu’ils puissent être humains, comme nous, on ne peut pas se résoudre à accepter qu’on a quelque chose en commun avec eux, et pourtant, on appartient à la même espèce.
On ne peut pas se distancer du problème, et au final, on a tous en nous « la part de l’autre ». Schmitt refait un peu l’Histoire avec des « si », mais je ne pense pas qu’il soit irréaliste ou naïf de penser que dans d’autres circonstances, peut-être bien qu’Hitler n’aurait jamais fait de politique, sûrement qu’il n’y aurait pas eu de Seconde guerre mondiale comme on l’a connue,…
Un livre que j’ai lu encore plus récemment: Le Jardin Arc-en-ciel (2014), d’Ogawa Ito. Il est disponible en France depuis la dernière rentrée littéraire, et je me suis consacrée une après-midi de cette semaine pour le lire.
C’est l’histoire d’Izumi, une mère de famille bientôt divorcée, et de Chiyoko, une lycéenne qu’elle a abordé sur le quai d’une gare alors que cette dernière était à deux doigts de mettre fin à ses jours. Les deux femmes vont très vite se rapprocher, jusqu’à finalement tomber amoureuses l’une de l’autre. Izumi lui présente son fils, Sousuke. Le courant passe très bien. Alors la décision est prise: tous les trois, ils vont partir refaire leur vie, former une famille dans un petit village de montagne qu’ils surnommeront le Machu Picchu. On suit l’évolution de leur famille au fil des années: Chiyoko donnera naissance à la petite Takara (fruit d’une histoire d’un soir avec un garçon avant de rencontrer Izumi), et leur demeure se transformera en maison d’hôtes.
Au début, j’étais un peu sceptique, comme je le suis toujours avec les couples où il y a une grande différence d’âge. Chiyoko est encore mineure aux yeux de la loi japonaise quand elle rencontre, sort, et fugue, avec Izumi, et l’écart entre les deux se fait souvent sentir au début du livre. Mais ce n’est pas le détail qui m’a le plus chiffonnée, loin de là!, mais je ne peux pas trop parler du reste sans spoiler donc parlons plutôt de ce que j’aime: c’est un livre qui parle d’homosexualité. Et qui en parle franchement. D’entrée de jeu, Chiyoko parle ouvertement du fait qu’elle soit lesbienne, et des difficultés qu’elle a rencontré avec ses parents après son coming-out, et tout le reste du livre raconte les soucis qu’Izumi et elle ont rencontré pour se faire accepter en tant que couple de lesbiennes, qui plus est avec des enfants.
Malgré les quelques reproches que j’ai à lui faire, c’est un si beau livre; ça fait toujours plaisir de voir un couple LGBTQ+ au centre d’une histoire, de voir deux femmes qui s’aiment élever des enfants. Le Jardin Arc-en-ciel encourage la tolérance, l’ouverture d’esprit, que des choses positives. Peut-être que le style ne plaira pas à tout le monde, certains l’ont qualifié de trop « plat »; plutôt que plat, je le trouve simple, presque poétique, et personnellement, j’adore. Il m’a même arraché une petite larme. A plusieurs reprises … Donc personnellement, je suis charmée, je ne sais pas encore si j’irais jusqu’à le classer dans mes livres préférés, mais c’est en tout cas mon dernier coup de cœur.
Je termine sur Shining (1977), « The Shining » de son titre original, « Shining l’enfant lumière » de son titre complet. Je ne vais quand même pas présenter Shining, si ? Famille Torrance. Jack, Wendy, Danny. Le père était un ancien instituteur. Il s’est fait viré parce qu’il a levé la main sur une élève. Alcoolique. Il accepte un job de gardien dans un hôtel au fin fond de la montagne pour la durée de l’hiver. Il s’improvise écrivain. Danny, le gamin, possède un don, il voit des choses horribles, il sait qu’un malheur guette sa famille. Voilà, j’ai présenté Shining, mais à mon avis vous auriez pu vous en passer: le livre est connu, le film de Kubrick est tout aussi culte, et, heu, vous avez déjà entendu parler de ce « Stephen King » ? Ouais, pas besoin de s’étendre sur le sujet je pense.
Je dois dire que je ne suis pas fan de Stephen King, d’ailleurs: je reconnais son talent, mais son style ne me parle pas plus que ça, et j’accroche rarement à l’horreur, et encore moins au fantastique. Mais quelque chose me plait chez Shining. Je n’aime pas le fantastique, mais chez King, c’est encore un peu différent: dans Shining, toutes les manifestations surnaturelles sont l’incarnation de la « folie humaine », et au final, ce qu’il y ait de plus effrayant dans ce livre, c’est les ravages de l’alcoolisme. J’aime beaucoup cette histoire, mais je ne vais pas mentir, c’est une lecture qui m’a ennuyée plus d’une fois; seulement voilà, quand je l’ai lu, j’étais coincée dans un bus pour un trajet de 26 heures, alors j’en suis venue à bout sans trop de peine et maintenant il me rappelle de bons souvenirs en Espagne, et rien que pour ça j’y suis attachée.
Voilà pour les œuvres que j’avais envie de partager avec vous aujourd’hui; j’aimerais bien discuter avec vous de ces dernières si vous les avez lues, et sinon j’espère vous avoir fait découvrir des titres que vous intéressent ! N’hésitez pas à me parler de vos livres préférées dans les commentaires, toute recommandation est bonne à prendre !
J’aime beaucoup tes références en général, et je vois avec cet article que le tout est cohérent ^^
J’ai été traumatisée par le film de Kubrick quand j’étais au lycée. A tel point que je ne m’en souviens plus, j’ai refoulé.
J’avais tenté Lolita en première année de fac, et finalement j’ai arrêté car j’avais trouvé ça un peu… bref, tout ce qu’on peut reprocher à ce livre et qui fait que beaucoup l’ont aimé.
En revanche, je ne connaissais pas le livre de Iwasaki Mineko et j’avais en effet trouvé Geisha vraiment « occidentalisé ». Du coup je le met sur ma liste « à lire » sachant que depuis que j’ai commencé la thèse, je n’ai lu qu’un seul roman T.T
Le jardin de l’Arc-en-Ciel me tente bien aussi… Hop, sur la liste (la longue liste) ! Merci ! ^^
Haha merci !
Je peux comprendre le « traumatisme » lié au film; j’adore le film, mais Lolita est montrée en train de vraiment « chauffer » H.H., et… au final, peu importe parce que 1) c’est lui l’adulte et c’est sa responsabilité de ne pas céder à ses avances 2) elle veut juste « provoquer » et « faire la grande » elle a 12 ans, elle peut pas être réellement consentante enfin bref tu vois je vais pas épiloguer MAIS ça souvent les gens n’ont pas l’air de se rendre compte et le film peut donner l’impression qu’elle est consentante et que c’est « moins grave ». Et ça rend le film tellement MALSAIN, pire que le livre; une de mes amies avait un prof de philo qui a vraiment présenté cette relation comme était consensuelle et :/// mmhhhhh :///
Ah j’espère que tu trouveras le temps de les lire à l’occas !! ça me fait plaisir de t’avoir donné envie de lire ces livres !
Un super article très intéressant !
Je vois aussi que nous avons quelques livres en communs ^^
(Comme « La part de l’autre » ou bien « Shinning »). Tu m’a aussi fait découvrir de nouvelles choses que j’ai hâte de lire ! (Si j’ai le temps, ça fait deux mois que je n’ai rien lu : je suis désespérée
_| ̄|○ )
Merci beaucoup ! Je suis ravie de t’avoir fait découvrir de nouveaux livres, j’espère qu’ils te plairont (et que tu trouveras du temps à consacrer à la lecture! j’ai longtemps eu le même problème).
(Tu sais que tu m’as sauvé la vie et que après des recherches un peu désespérée je viens de caser « Lolita » dans ma notion en doc’ personnel pour la LELE ? <3)
Sinon je commente pas souvent mais bon voilà, autant le faire bien : Super blog, je lis tout tes articles et j'adore ! Allez, j'espère que tu continueras encore longtemps ! 😀
Oh, ce que c’est chiant la LELE, je suis bien contente d’avoir indirectement pu t’aider haha! t’as casé ça dans quelle notion ? Et merci beaucoup, c’est très gentil!!, j’espère continuer à sortir des articles qui te plaisent !
J’avais adoré Lolita, un livre vraiment bien écrit, par contre voir qu’il a été qualifié de romance, sérieusement tout le long du roman je ne pouvais voir qu’une attirance malsaine de la part du personnage principal et une enfant qui joue à l’adulte, donc même si c’est excessivement bien écrit il n’y a rien de romantique…
Le jardin arc-en-ciel a l’air pas mal, et niveau auteur japonais il y Murakami Ryû qui est absolument génial, donc si tu connais pas, n’hésite pas…
Merci de la recommandation !! j’irai checker ça…
Et pour Lolita, malheureusement, beaucoup trop de lecteurs l’ont interprété comme tel… encore pire avec les films !