Publié dans Chronique

5 minutes dans un maid café.

On m’a demandé de raconter mon expérience dans un maid café, donc voici.

Pour les plus anciens, et fidèles, d’entre vous, ce n’est rien de nouveau: aujourd’hui, je ne fais que recycler un sujet que j’ai déjà traité sur mon ancien blog, et mon expérience, je l’ai relaté en quelques lignes dans un de mes tous premiers articles ici. Parce que oui, mon passage éclair dans un maid café ne date pas d’hier: on va remonter jusqu’à mon premier voyage au Japon, il y a trois ans. Mais avant de replonger là-dedans, parlons un peu maid cafés, pour les possibles non-initiés.

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Les maid cafés sont des établissements où votre café vous est servi par des jeunes filles vêtues de costumes de servantes, inspirés des uniformes victoriens des soubrettes anglaises et françaises.

Robe, tablier, jupon, chaussettes hautes, serre-tête à dentelle,… elles vous accueillent avec un お帰りなさいませ、ご主人様 !; « Okaerinasaimase, Goshujinsama », qui peut-être traduit par « Bienvenue, maître », parce que dans un maid café, le client est littéralement roi: on l’appelle maître et il est traité comme tel.

Il est évident que ce concept vise un public bien particulier, mais même si les « otaku » sont les premiers concernés, les femmes, qu’on appelle alors Ojousama, sont les bienvenues.

Certains s’écriront « glauque! », et je serais un peu obligée de leur donner raison. Il y a beau ne rien à voir d’explicitement sexuel dans le concept et son exécution, c’est quand même un sacré truc de fétichiste!, et qui cultive cette image de la femme qui se doit d’être pure et soumise. Et il y en a pour tous les fétichistes.

Dans certains maid cafés, les serveuses jouent les « imouto », les petites-sœurs, le client n’est plus « maître » mais « onii-sama ». D’autres ont des events « tsundere », où les serveuses maltraitent et insultent les clients. Si vous n’êtes pas fans des soubrettes, on retrouve pas mal de « butler cafes », où les servants sont remplacées par des majordomes. Il y a un maid café où la particularité des serveuses est qu’elles sont rondes ! Dans les cafés « dansou », les serveuses se travestissent et jouent les majordomes.

Pensez à n’importe quel fétiche, et je vous assure qu’il a été tourné en maid café, ou au moins en event dans un maid café. Des serveuses qui vous massent ? Fait. Des serveuses qui vous donnent la petite cuillère ? Ca existe. Des serveuses en uniforme scolaire qui vous appellent « senpai » ? Bien sûr. Maids à lunettes ? C’est une évidence.

Et je vous prie de croire que ces endroits dégoulinent de kawaii, on peut y commander toutes sortes de plats et de boissons, et tous sont joliment présentés, arrangés de la façon la plus mignonne possible, tant et si bien que même le nom est niais et gênant à commander. Le plat le plus populaire, c’est « l’omuraisu », l’omette de riz sur lesquelles les maids proposent de vous écrire un petit message au ketchup…

Et on ne s’arrête évidemment pas à servir des plats: les prestations proposées varient en fonction des établissements mais on trouve vraiment de tout. Certains font dans l’iyashi-kei, tout ce qui touche à la relaxation, et d’autres dans l’entertainement-kei, donc tout ce qui est divertissement. Vous pouvez vous retrouver à jouer à jan-ken-pon (pierre-feuille-ciseaux), ou vous faire curer les oreilles (je n’invente rien) en fonction de l’établissement.

Souvent, il y a aussi la possibilité de prendre une photo avec votre serveuse. Généralement, c’est pris avec un polaroid, comme ça, le client peut directement récupérer sa photo, et la serveuse peut y inscrire un petit mot. Ces photos-souvenirs sont appelés des « cheki ».

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source: maidrunner

Comme dans n’importe quel lieu public, il y a des règles à respecter, et en théorie, on ne devrait pas avoir à demander aux gens de se comporter comme des personnes civilisées, mais ce genre d’endroits attire quand même pas mal de pervers qui n’ont pas toujours de bonnes intentions. Ces cafés ont donc des règlements très stricts, affichés soit à l’extérieur ou à l’intérieur, peu importe, et ça peut parfois choquer d’être présentés à une si longue liste de choses à ne pas faire, mais quand on regarde bien… Parmi ces interdictions, on lit « formelle interdiction de prendre des photos à l’intérieur du café » mais aussi « interdit de demander le numéro de téléphone ou l’adresse d’une maid », « interdit de se renseigner sur les horaires de travail d’une serveuse », « interdit d’attendre un membre du personnel à la sortie du café ou de les suivre dans la rue »,… Je n’ose imaginer le nombre d’employées qui ont été confrontées à des situations délicates du genre, voire à des agressions…

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Bref. Saut dans le passé. Août 2013. Je suis avec ma mère et ma grand-mère, il fait une chaleur étouffante et on a eu la bonne idée d’enchaîner trois visites dans la même journée sans un seul temps de pause. On est à Akihabara, on rampe, on sue, on a besoin de se poser quelque part, et c’est là qu’on se fait aborder par une maid.

Il faut savoir que c’est dans le quartier d’Akihabara qu’il y a le plus de maid cafés, c’est là que c’est né d’ailleurs, et on peut y voir plein de maids dans les rues, qui tendent des flyers aux passants, qui en racolent certains,… c’est ce qui nous est arrivé, et c’est comme ça qu’on s’est retrouvées dans un café Maidreamin.

On s’est laissées conduire à l’ascenseur parce que: pourquoi pas ? c’est cocasse, c’est une expérience qu’on ne pourra vivre nulle part ailleurs, c’est un café comme un autre mais avec un petit twist ! Ma mère était quand même réticente, mais la curiosité malsaine nous a poussé dans cette cage d’ascenseur, qu’on a partagé avec trois autres hommes. Les portes se sont ouvertes, on a tout de suite aperçu des femmes à une table, ça nous a un peu rassurées.

Une maid est venue à notre rencontre, nous a conduit jusqu’à notre table. Le malaise s’est tout de suite fait ressentir, ce comportement niais n’est pas très naturel ?, c’est franchement gênant, et en plus, on était pas vraiment le public auquel elle était habituée. Il y a une ambiance très spéciale, je pense qu’on peut s’en douter, mais on s’en rend vraiment compte qu’une fois qu’on y est.

Elle nous tend un menu, et on constate que cette amusante expérience a un prix: rien que s’assoir à une table coûte autour de 5€. Ce n’est finalement pas si surprenant, ces cafés sont toujours assez chers, on paye pour le concept. Il y a différents « sets »: vous avez le choix entre un set à une vingtaine d’euros où vous avez un dessert de votre choix + une photo avec un maid + un souvenir (comme un porte-clé ou une pochette), ou la même chose mais avec un plat chaud pour environ cinq euros de plus,…

On a monté d’un cran, que dis-je, dix crans, sur l’échelle de la gêne et du malaise quand, pour s’assurer qu’on avait bien compris comment fonctionnait le menu, la maid nous a demandé de… réciter une formule magique.

Pratique assez courante dans les maids cafés, finalement. Les serveuses invitent les clients à répéter une petite incantation et une chorégraphie avec leurs mains pour, par exemple, « rendre le plat meilleur! » et ce genre de niaiseries.

Résultat, on a dû répéter « One… Two… Three… Candle! », puis souffler avec elle sur une petite bougie. Ni ma mère, ni ma grand-mère, n’avait envie de jouer le jeu, et même si avec le recul, j’en rigole, sur le moment… c’était si tendu.

Et à ce stade, je pense que vous vous doutez de pourquoi cet article s’appelle « 5 minutes dans un maid café »: on était pas assez à l’aise pour s’éterniser, pour prendre plus qu’une boisson. Et si on est restées 5 minutes, et pas 2, c’est parce qu’on est arrivées pile au moment du « showtime » ! C’est une animation où l’une des maids monte sur une petite scène, et, de sa voix toute aiguë, chante une chanson tout en se trémoussant dans tous les sens. C’était épique, elle prenait ça très à cœur, les autres serveuses nous poussaient à l’encourager, et les habitués connaissaient déjà la chorégraphie et agitaient leurs glow sticks en rythme avec la musique.

Il était temps pour nous de nous éclipser.

Conclusion: c’est un truc à voir, à tenter, mais c’est pas pour tout le monde, et si je devais le refaire, ça serait peut-être pas avec ma famille… Lors de mon prochain voyage, je tenterais bien le butler café… ça serait plus en lien avec ce que je fais sur ce blog en plus, ça serait sympa à partager avec vous, mais… tout ce que je peux m’imaginer, c’est que ça doit être encore plus gênant… Mais on ne peut pas savoir avant d’y être allé, non  ?