Enfin !

J’exagère. Mais à peine. Jack Jeanne est un otome game sorti en 2021 qui me paraissait très prometteur : développé par Broccoli, à qui on doit notamment Uta no Prince-sama, et créé par… Sui Ishida ?! Si ce nom vous dit quelque chose, c’est bien normal, c’est le mangaka de Tokyo Ghoul. Je crois bien que c’est la première fois que je vois un auteur de manga à succès s’essayer aux otoges, donc j’étais très curieuse… Il a tout fait du character design et des illustrations au worldbuilding et aux paroles des chansons. Pour le scénario, il a travaillé, comme pour Tokyo Ghoul, avec sa sœur, Towada Shin. Pour cette seule raison, j’étais très curieuse ! Mais ce qui a fini de me convaincre, c’est l’histoire.
Kisa Tachibana a un rêve : faire du théâtre, comme Tsuki, son grand frère qu’elle admire depuis toujours, encore plus depuis qu’elle a l’a vu sur scène. Un obstacle cependant : Kisa est une fille. Et l’école qui forme les futurs stars de la revue Tamasaka est réservée exclusivement aux garçons. Ils y jouent tous les rôles : les élèves qui interprètent des rôles masculins sont des « Jacks », et les rôles féminins sont appelés des « Jeannes ». De toute évidence, le rêve de Kisa est quelque peu compromis… Jusqu’au jour où le principal en personne l’invite à rejoindre les rangs d’Univeil… à quelques conditions ! 1) Dissimuler son identité de jeune fille 2) S’intégrer et tisser des liens forts avec sa camarade 3) Décrocher le rôle principal dans la représentation de fin d’année.
Vous remarquerez que l’univers reprend tous les codes de la revue Takarazuka… ! Je me disais vraiment que ce jeu avait tout pour me plaire.
Le système est original, et mélange dating sim et jeu de rythme. Il faut cultiver ses stats dans les disciplines qui nous permettent de nous orienter sur l’une ou l’autre route, et chaque entraînement ou représentation de Quartz (la classe de l’héroïne) donne lieu à un mini jeu de rythme (dont on retrouve deux types, danse et chant). Et quand vient le week-end, on peut se balader sur le campus et passer du choix avec les personnages de notre choix. Encore des choses que j’aime beaucoup.



Mais alors où est le problème ?
Je vous laisse regarder la taille d’un walkthrough. La common route est interminable, ce qui n’est pas un mal en soi, mais elle est extrêmement laborieuse à skip. On ne peut pas juste appuyer sur un bouton et attendre que les scènes défilent jusqu’à finalement attendre des passages inédits, parce que la common route est parsemée de saynètes, parfois de seulement deux lignes, mais qu’il faut lire quand même, et, aberration, il faut se retaper les chansons de chaque spectacle ! Ca fait onze mini jeux de rythme qu’il faut refaire sept fois… voire plus, si on veut terminer le jeu à 100% en débloquant toutes les illustrations….
Après, une fois que vous êtes engagé-e sur la route d’un personnage, vous n’avez plus que des dialogues inédits mais… l’histoire se termine toujours sur la même pièce, Sissia of the Central Nation. Bien sûr, le scénario de cette pièce est grandement influencé par les relations entre les différents personnages, donc certains rôles et certains passages vont changer d’une route à l’autre mais… dans les grandes lignes, c’est toujours la même histoire, et, là aussi, il faut refaire les chansons en tout et pour tout sept fois.
Autant vous dire que ce n’est pas vraiment ma définition du « fun ». Il faut au moins deux bonnes heures pour skip la common route, ce que je trouve absolument hallucinant. C’est récompensé par, évidemment, quelques moments inédits avec le love interest convoité, mais c’est quand même très long et contraignant sans bonne raison apparente et le fait de devoir se retaper les mini jeux a détruit la moindre appréciation que je pouvais avoir pour les musiques de ce jeu. Quant à Sissia of the Central Nation… c’est un soulagement que de savoir que je n’aurai plus jamais à en entendre parler.

Pour moi, c’était une corvée et j’ai mis un peu plus d’un an à en finir. J’ai délaissé le jeu plusieurs fois pendant des périodes plus ou moins longues parce que je ne m’amusais pas, j’étais blasée avant même de lancer ma console parce que je savais que j’allais passer une heure à juste skip, skip, skip.
Et tout ça pour quoi ? Il y a sept routes, dont une sans love interest ; c’est simplement la route de l’héroïne. Et je m’attendais à… plus. Bien sûr, on se concentre à chaque fois sur un personnage différent, mais on ne développe absolument rien d’autre, on n’apprend jamais rien de plus sur l’héroïne (même dans sa propre route !!!!!!! quel intérêt de consacrer une route entière à l’héroïne ?), jamais aucune révélation… et bien sûr, toujours la même pièce de théâtre… donc ça paraît très répétitif et on a l’impression que le jeu nous emmène toujours au même endroit. Sept fois. Je pensais qu’au fur et à mesure, le jeu allait lever le voile sur les différents mystères introduits dans la common route, au moins nous en dire plus sur Tsuki (le frère de l’héroïne), mais pas du tout.
C’est dommage, parce que tout n’est pas à jeter, loin de là ! J’adore l’univers, certaines illustrations sont de vraies œuvres d’art, les musiques sont superbes, il y a un vrai soin apporté à toute la direction artistique du jeu. Et les personnages sont très bien écrits et attachants, même les plus secondaires. C’est d’ailleurs dommage qu’il n’y ait des routes que pour les élèves de Quartz ; je pense qu’aller voir ailleurs aurait permis de rendre l’ensemble un peu moins répétitif.
Le personnage qui a fait battre mon cœur à plusieurs reprises et qui n’a évidemment pas de route :

Le personnage avec le plus de potentiel sur qui on ne va finalement jamais rien apprendre de concret mais je l’adore quand même :

Mais parlons des personnages qui ont une route.

Suzu Orimaki me rappelle un temps où j’étais encore innocente et insouciante (je ne savais pas encore quel enfer ça allait être de me refaire la common route). C’est une route très agréable et une bonne introduction à Jack Jeanne. Suzu est une vraie pile électrique, l’archétypique du personnage « genki », du genre à agir avant de réfléchir mais avec le cœur sur la main et toujours le sourire jusqu’aux oreilles. Il a l’énergie pour porter toute la classe vers la victoire et sait remonter le moral des troupes. Je l’aime beaucoup, même si sa bonne humeur le caractérise, c’est un personnage avec quand même un peu de profondeur : on voit ses doutes, ses craintes, ses moments de déprime. Et j’adore sa relation avec Kisa, qu’il traite à la fois comme un-e rival-e et un-e partenaire. Même une fois qu’il découvre qu’elle est en réalité une fille, il la traite exactement de la même façon. Un personnage attendrissant et une histoire sans prise de tête pour bien commencer !

Mouais. On touche ici à une trope incontournable : les amis d’enfanceeeee. Soshiro Yonaga passait jadis ses journées à se perdre dans des mondes imaginaires avec Kisa et son frère Tsuki. Ils se sont ensuite perdus de vue jusqu’au jour des auditions, où il reconnait immédiatement son amie d’antan et jure de garder son identité secrète. Ca pourrait être sympa et mignon… mais sa personnalité m’a tellement gavée ! C’est normal que dans une école comme celle-ci il y ait des rivalités, des rivalités qui peuvent être tout à fait saines, mais Soshiro fait souvent preuve de jalousie mal placée, il s’apitoie rapidement sur son sort, tout tourne autour de lui et j’ai trouvé sa relation avec Kisa un peu déséquilibrée (il l’aime beaucoup plus qu’elle ne l’aime).

Je pense que sa route aurait pu être très croustillante s’il avait viré un peu yandere (il y avait des penchants par-ci par-là) mais hélas… Jack Jeanne reste vanille.

Route mimi. Mitsuki Shirota semble froid au premier abord ; il a la plus belle voix de toute la classe et n’hésite pas à en faire usage pour sublimer chacun de leurs spectacles, mais il a quand même tendance à rester en retrait et à éviter de se mêler des affaires de ses camarades. Il s’ouvre petit à petit au contact de Kisa et se découvre de nouvelles ambitions. La romance est toute douce, les moments d’intimité sont rares mais chargés de sens. J’ai trouvé le personnage de Mitsuki bien écrit et sa route était une bonne surprise, son évolution est très plaisante à suivre.

Homme qui a tout pour plaire, charme androgyne qui lui permet de jouer aussi bien des rôles féminins que masculins, il déborde de confiance en lui et est sûrement le personnage qui drague le plus ouvertement Kisa. J’adore leurs scènes ensemble (même si je trouve Kisa bien peu expressive !!), j’aime moins toute sa backstory et ses drames familiaux qui sont finalement assez superficiels (tout se règle bien trop facilement, on ne ressent aucun enjeu).

Encore un archétype ; Kai est le mec quasi muet et très discret quant à ses émotions, ce qui me faisait un peu redouter sa route. Finalement, c’était, de loin, la meilleure. Le personnage est très bien développé, Kisa et Kai grandissent ensemble et l’évolution de leur relation semble toute naturelle et extrêmement PURE ! Ils vont très bien ensemble et ont finalement des personnalités assez similaires.
*spoilers*
C’est aussi le seul personnage à capter que peut-être que Kisa et Tsuki, qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau et qui ont le même nom de famille, sont possiblement de la même famille.
*fin des spoilers
C’est aussi la route la plus chargée en émotions, elle est intense et m’a donné exactement tout ce que j’attendais de ce jeu.

Kokuto Neji est l’excentrique de la classe, le génie incompris qui écrit toutes les pièces de théâtre jouées par Quartz, et qui, par le passé, a aussi écrit et interprété « I Am Death » avec Chui Tanakamigi, une pièce à la renommée mondiale. Cette route commençait très mal, avec Neji qui tient des propos dignes d’un incel, mais… il se rattrape assez bien et l’histoire est plutôt intéressante. Je dois cependant avoué avoir été agacée par son comportement à plusieurs reprises ; sa classe lui fait confiance à outranceeee au point que ça ne soit plus réaliste et j’ai trouvé qu’il se prenait beaucoup trop au sérieux. Il n’est pas écrit en ce sens mais je le trouve trop prétentieux. Par contre, la romance… ? Pas mal. Les grandes déclarations théâtrales de Neji vont tout à fait avec le personnage et ils développent une complicité à laquelle je ne m’attendais pas mais à laquelle on croit sans mal. De par leur passif, Chui a une présence un peu plus importante dans cette route et je ne crache évidemment pas dessus.

Et enfin, on a une route sans romance aucune, consacrée entièrement à notre héroïne, Kisa Tachibana. J’aurais imaginé qu’avec cette ultime route dédiée au protagoniste, toutes les pièces du puzzle allait s’assembler… mais comme expliqué précédemment, il n’y a pas de pièce, il n’y a pas de puzzle. Ce qu’il y a, par contre, c’est un petit twist. De vrais enjeux, bien que très peu de suspens. Ce que j’ai préféré, c’est que ça permette à Kisa d’être un personnage à part entière. Les héroïnes d’otome games sont parfois un peu effacées, mais par le simple fait que Kisa ait eu le droit à son propre doublage, on sait que ça ne sera pas le cas ici. Et grâce à cette route, elle est plus que jamais au centre de l’histoire. Je me suis même réconciliée avec Sissia of the Central Nation, je suis absolument fan du rôle qu’elle y joue et de comment cette version de la pièce donne tout son sens à « Jack Jeanne ».
Il y a même une bad end avec… je ne vous en dis pas plus mais c’était tout ce que je voulais ! J’en aurais même voulu bien plus !

J’étais quand même bien contente d’en finir. J’ai lu quelques critiques quand même assez positives donc mon opinion est peut-être impopulaire, il est possible que je manque juste cruellement de patience… Il n’empêche que j’aurais dû à recommander Jack Jeanne et je pense qu’il faut vraiment être passionné-e d’otome games pour se l’infliger…
Je me souviendrai quand même des illustrations, de Kasai et de Chui.